Par Fiston Loombe Iwoku
Essai
L’Afrique doit se réveiller de Louidel Lebou est un essai d’une grande valeur scientifique. En effet, l’auteur a choisi volontiers une voie singulière pour décrire l’éveil de l’Afrique avec une perception de la réalité qui fédère les différents points de vue sur les maux qui dérèglent l’épanouissement du continent noir. Depuis la nuit des indépendances, l’Afrique, dans sa globalité, est confrontée à plusieurs défis, notamment ceux démographiques, environnementaux, politiques, éducationnels, etc. Les mots de Louis Sabourin continuent d’avoir un écho dans notre mental, lorsqu’il dit : « Si l’Afrique peut se définir au singulier, elle doit se composer et se décliner au pluriel. Je ne crois pas me tromper en disant que son passé est encore indéfini, son présent est moins que parfait et son futur est au conditionnel ». Ces vocables sont comparables au son du tam-tam parleur qui tire l’Afrique de sa léthargie.
Louidel Lebou / L’Afrique doit se réveiller, éditions Grand Lac, 200 p., 2023
Par l’entremise de ce livre, Louidel Lebou se pose la question du degré de maturation politique ou socio-économique du continent africain et réfléchit avec perspicacité sur l’émergence d’une nouvelle génération de leaders, ainsi que sur le changement imminent de la classe politique. L’auteur appelle à la promotion d’une démocratie moderne qui donne une plus grande place au capital humain, aux droits de l’homme et à la mise en place de nouvelles conditions de paix, voire de liberté mentale et physique pour un développement durable. Face à un monde en mutation où le complot séculaire visant l’assujettissement de l’Afrique se redéfinit dans les capitales occidentales, Louidel tente de remettre en cause certaines opinions érigées en muraille dans l’imaginaire social africain.
En effet, il convient de souligner ici l’engagement de ce jeune penseur dans le secteur éducatif et du développement durable. Il dirige la Jeunesse Libre Africaine, une association qui vise l’unification de celle-ci autour de l’idéal du développement global africain. Son premier essai Le Réveil de la Jeunesse Africaine, paru en 2021, a connu un grand accueil auprès du public ciblé.
Aussitôt que nous avions entamé la lecture de ce livre, la convocation à l’éveil de conscience se hume et balise en même temps la voie sur laquelle la renaissance africaine doit auréoler. Fama pense que Les Soleils des Indépendances sont à la base de ses malheurs et celui du Nègre, en disant : « Le soleil ! Le soleil ! Le soleil des Indépendances maléfiques remplissait tout un côté du ciel grillait, assoiffait l’univers pour justifier les malsains orages des fins d’après-midi. (sic) » (Les Soleils des Indépendances, p. 11). Ce personnage du roman d’Ahmadou Kourouma est une illustration du désespoir qui est apparu après les indépendances en Afrique. D’après ce grand écrivain, à la veille de l’indépendance, le ciel de nos pays était « gros » de promesses. Les a-t-on réalisés ?
Les marasmes politiques africains actuels méritent une sérieuse réflexion des intellectuels contre les mensonges d’une approche qui coupe les désordres politiques de leur insertion dans l’histoire tragique des temps modernes, et qui réduit le jeu politique aux affrontements entre les dirigeants en place et les oppositions contestataires, dans un antagonisme où l’on a tendance à éviter la complexité des problèmes en désignant à peu de frais qui a tort et qui a raison ; et cette approche oublie souvent les imaginaires populaires viciés dans lesquels vivent les peuples d’Afrique.(Ka Mana)
A mesure que la faim, la pauvreté, l’inégalité de genres, ainsi que le manque d’accès au soin de santé, à l’éducation de qualité et à l’énergie prennent de l’ascenseur, la jeunesse africaine est appelée à prendre son destin en main. Louidel croit au bon choix des dirigeants politiques et à l’affranchissement de la jeunesse africaine par le biais d’une révolution non violente comme un levier de changement. « Depuis une dizaine d’années, on observe une recrudescence des mouvements citoyens, sous forme de mobilisation des hommes et des femmes menées par des collectifs essentiellement composés de jeunes activistes dynamiques, perspicaces et déterminés. Lesdits collectifs s’attaquent aux problèmes quotidiens des populations africaines, surtout là où les Etas paraissent limités, indifférents ou carrément démissionnaires », atteste-t-il.
De nombreuses déstabilisations d’ordre politique, social, économique et institutionnel ont donné lieu à des révolutions ou soulèvements populaires, à des rébellions et, voire, à des coups d’État militaires. Les séries de coups d’État, formes décriées d’accessions antidémocratiques au pouvoir, mais malheureusement prisées des pays africains majoritairement francophones, ont jalonné l’histoire de ces pays depuis leur accession à la souveraineté internationale, regrette Biléou Sakpane-Gbati. S’agit-il d’un déficit démocratique ? Louidel Lebou par contre voit en la démocratie un nouvel enjeu de la politique africaine. Pour lui, il ne s’agit pas de réinventer la démocratie à l’africaine, puisque cette dernière a été présente dans les systèmes de gouvernance traditionnelle africaine. Il apostrophe plutôt le changement de paradigme de cette démocratie dite « Afro-culturelle ».
L’Afrique doit se réveiller étant un manuel d’éveil de conscience, l’auteur met en exergue les causes de diverses crises en Afrique. Ses idées s’alignent à celles de Ka Mana avec lesquelles la supplique pour une analyse rigoureuse des jeux et des intérêts des acteurs, permet ainsi à l’Afrique de se libérer des conflits, des turbulences, des pathologies et des violences absurdes qui ont rendu la vie politique de ce continent inapte à s’orienter vers ce qui compte vraiment pour ses peuples : la poursuite du bonheur de ses populations, le rayonnement de leur génie créateur, la grandeur de leurs cultures et de leurs civilisations ainsi que la puissance de leurs capacités inventives pour enrichir l’humanité tout entière.
Cet essai aménage l’espace pour la renaissance africaine et nous procure une belle recette pour la recréation du continent africain et la possibilité d’offrir à l’homme d’Afrique les chances et les forces pour s’imposer dans le concert des nations et dans l’invention d’un possible nouveau monde. La fertilisation de l’imaginaire social des Africains avec des idées, des mythes, des approches et des propositions capables de déclencher une rupture avec certaines visions et routines qui figent le pouvoir politique africain dans des atavismes stérilisants et des habitudes infécondes face aux urgences du présent et de l’avenir devient une urgence, atteste l’auteur de cet ouvrage, en paraphrasant ainsi Ka Mana.
L’Afrique doit se réveiller est le deuxième enfantement intellectuel de Louidel Lebou et fait de lui, l’un de merveilleux praticiens de l’art de passeur et de relieur, qui nous présente une analyse chirurgicale et avérée des maux qui enlisent les pays africains dans un chaos permanent, surtout à cause des choix malencontreux faits par la plupart de leurs dirigeants, nous explique Jean-Paul Ilopi Bokanga. En exhalant ainsi un parfum d’aisance dans une étendue sans fin, le sacré bouquin de Louidel Lebou séduit forcément un lectorat qui refuse de faire des concessions à la prédation du continent noir, et à la paupérisation de ses diverses populations.