Dans le paysage littéraire congolais, Sosthène Mova Kawen se distingue par sa plume délicate et puissante. Elle est l’auteure de trois magnifiques œuvres : « Parcelles de vie », « Aimer, c’est oublier » et « Rendez-vous à Matadi ». Cette écrivaine talentueuse explore avec sensibilité les thèmes de l’amour, de l’identité et des réalités sociales. Dans cette interview exclusive, nous plongeons dans son univers créatif, découvrons les inspirations qui nourrissent son écriture et discutons de son engagement en tant que voix montante de la littérature congolaise contemporaine.
1. Pouvez-vous nous parler de votre parcours littéraire ?
Sosthène Mova Kawen : J’ai eu l’honneur de publier mon premier ouvrage « Parcelles de vie » en 2018, aux Éditions L’Harmattan. L’adaptation de ce recueil des nouvelles au théâtre à la fin de l’année 2018 constitue l’une des retombées de mon premier pas en littérature. En 2019, les éditions L’Harmattan me font à nouveau confiance et publient un recueil de poèmes intitulé « Aimer, c’est oublier ». En 2021, c’était pour moi une immense joie et honneur de figurer en deuxième position lors du concours du Grand Prix Congolais du Livre, grâce aux éditions Nzoi. Ces débuts prometteurs m’ont permis d’affirmer mon attachement pour l’écriture et de faire avancer d’autres projets littéraires.
2. Comment percevez-vous la place de la femme dans la littérature congolaise contemporaine ?
Sosthène Mova Kawen : Je crois que la femme, son intelligence, sa force, son histoire et ses défis trouvent de plus en plus de place dans la société congolaise. En sus, nous sommes représentées dans toutes les sphères littéraires en RDC. En littérature, orale ou écrite, les femmes ont toujours pris part à tous les projets visant la promotion de cette dernière.
3. Quelles thématiques abordez-vous dans vos écrits et pourquoi les avez-vous choisies ?
Sosthène Mova Kawen : La perte, les regrets et les remords, la peine, etc. Comme l’écrivait Léon Tolstoï dans “Anna Karénine” : “Toutes les familles heureuses se ressemblent, mais chaque famille malheureuse l’est à sa façon.” La peine comme thématique a été longtemps exploité dans la littérature. Dans mes œuvres, j’aime découvrir et dévoiler les visages qu’elle prend.
4. Votre recueil de poésie « Aimer c’est oublier », publié aux éditions L’Harmattan en 2020, est le témoignage d’un amour éternel face aux tourments du cœur. Pensez-vous que l’amour peut guérir nos douleurs existentielles ?
Sosthène Mova Kawen : Non. Personnellement, je ne crois pas que l’amour peut guérir toutes nos douleurs. Je pense au magnifique sous-titre du livre de Jacqueline Kelen, « Faut-il guérir de tout ? » Certaines douleurs nous accompagnent tout au long de notre vie. Mais je pense que l’art, la philosophie, la bonté et souvent la religion peuvent nous consoler lorsqu’on se sent éloigner de tout espoir. Cette consolation peut ou ne pas être totale mais elle nous aide, du moins à affronter les obstacles de la vie. La question de l’amour comme remède à nos douleurs existentielles par le truchement de la littérature est relative.
5. Y a-t-il des écrivaines congolaises ou africaines qui vous inspirent particulièrement ? Si oui, comment vous ont-elles influencé votre écriture ?
Sosthène Mova Kawen : Oui. J’ai mis du temps à découvrir la littérature africaine féminine. Cependant, je compte bien rattraper mon retard, car mieux tard que jamais, dit-on. Chacune de ces femmes m’a permis de réaliser que la littérature n’est pas l’apanage d’une race ou d’un genre. Elles racontent l’Afrique, chacune avec un regard et un style particuliers. Voici la liste des auteures africaines qui m’ont inspirée : Marie N’diaye, Elisabeth Tchoungui, Mariama Bâ, Yolande Elebe et Damisa Mboyo.
6. Comment décririez-vous le style de votre écriture et en quoi se distingue-t-il de celui d’autres auteurs ?
Sosthène Mova Kawen : Ma perception de mon style d’écriture peut paraître erronée, raison pour laquelle je laisse aux lecteurs.trices, aux critiques et aux passionné(e)s des belles lettres cette tâche de décrire ma façon d’écrire. Néanmoins, si je me mets à la peau de lectrice, je qualifierai mon style d’incisif et d’évocateur.
7. Quels défis rencontrez-vous en tant qu’écrivaine en République démocratique du Congo ?
Sosthène Mova Kawen : En tant qu’écrivaine, il est difficile de m’échapper du syndrome de la page blanche. Les doutes et le découragement surgissent souvent pendant l’écriture d’un projet littéraire ; mais l’espoir, la volonté, la détermination et le courage finissent par prendre le dessus sur ces maux.
8. Pensez-vous que la littérature peut jouer un rôle dans l’émancipation des femmes en Afrique ? Si oui, comment ?
Sosthène Mova Kawen : Oui, si à travers le concept « émancipation », on entend l’idée d’épanouissement. Je dirai le contraire au cas où le mot « émancipation » serait perçu comme « liberté ». La littérature est l’art de la fuite où la distraction, le rêve, la supposition et l’irréel meuvent sans fin. Elle permet à tous d’apprendre, de rêver, d’oser, d’imaginer, de retrouver l’espoir et souvent de restaurer notre foi en l’Humanité. Mais comme tous les arts, sans action, la littérature n’est que divertissement.
9. Est-ce que le contexte socio-culturel de la RDC influence-t-il votre écriture et vos choix thématiques ?
Sosthène Mova Kawen : Oui, car nous sommes le produit de notre environnement et de notre culture d’une manière générale. Dans le cadre de l’écriture, je pense que le contexte socio-culturel intervient plus dans la recherche de la vraisemblance et dans le choix de la thématique.
10. Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent se lancer dans l’écriture ?
Sosthène Mova Kawen : S’il y a quelque chose que vous aimez plus que l’écriture, alors ne rêver pas d’être écrivaine. Voici quelques conseils que je mets à la disposition des plumes féminines en herbe :
- Lisez abondamment, tous les jours si possibles ;
- Écrivez tous les jours, même si c’est seulement quelques lignes ;
- L’art, la littérature, le divertissement doivent demeurer une passion ;
- La question du genre dans l’écriture ne constitue pas en soi une faiblesse ou une force. Votre ancrage dans l’espace littéraire vous permettra de trouver le juste milieu entre vos attentes et celles de la société ;
- Faites la paix avec les critiques, certaines sont indispensables (celles qui vous font avancer), d’autres sont inévitables (celles qui vous font douter).
11. Parlez-nous de votre dernier livre « Rendez-vous à Matadi »
Sosthène Mova Kawen : C’est l’histoire d’une attente sans fin entre une jeune infirmière qui a coutume d’exprimer via des lettres, son amour à un homme dont elle a beaucoup aimé ; mais qu’elle finira par le perdre. L’intrigue se déroule à Matadi.
12. Quels projets littéraires avez-vous en cours ?
Sosthène Mova Kawen : Je vais bientôt finaliser l’écriture d’un roman et quelques pièces de théâtre avant la fin de l’année 2024. J’espère présenter des œuvres corsées au grand public qui a hâte de découvrir mes nouvelles parutions, au courant de l’année 2025.
Propos recueillis par Charlène Nicha Isambi