Entretien avec Hervé Richard

Il est à la fois écrivain, poète et traducteur français résidant en Allemagne. Hervé Richard a accepté volontiers de répondre aux questions de La Plume vivante.

  1. Qui est Hervé Richard ?

Dans une première vie, j’étais enseignant ; dans une seconde j’étais et je suis traducteur ; ma troisième vie a commencé avec la poésie. C’est celle que je préfère.

2. Pouvez-vous nous parler de la genèse de votre pulsion d’écriture ?

J’ai toujours écrit, mais c’était toujours une activité à côté. En 2011, j’étais en soins intensifs et j’ai prié le Ciel : Si je sors d’ici, j’écris. Depuis, j’écris. Je n’écris pas pour être lu, j’écris pour être libre.

  1. Dans votre recueil de poésie « L’un l’autre », vous dites : « Pour changer le monde/ il faut changer les mois/ et puis changer les toits/ et puis nous changer nous. » Que peut-on retenir de cette métaphore ?

Je crois profondément que le véritable changement vient de l’intérieur, que ce qui nous sauve est à l’intérieur de nous. Voilà maintenant plus de dix ans que je pratique le reiki et la méditation. J’y ai découvert la respiration et le recentrement.

  1. Votre plume aborde parfois les problèmes inhérents à notre intériorité et le monde qui nous entoure. Est-ce pour vous une manière de redéfinir la relation de l’être avec son univers ambiant ?

L’écriture dans sa simplicité – une feuille de papier et un stylo – nous renvoie à la simplicité des choses. Néanmoins, à l’instar du langage, cette simplicité cache une extrême complexité. J’aime cette magnifique phrase de Heidegger : « Le langage est la maison de l’Être ». Sur ce point, je suis totalement en accord avec lui.

  1. Lorsque vous dites dans le recueil précité : « Le poète ne se tait pas/il s’isole/s’exclut/se cache/s’ignore/s’oublie/s’abat/s’inhibe/s’exhibe/se voit/le poète fait tout mais ne se tait pas. » Pensez-vous que le silence est incompatible à l’apostolat d’un poète ?

La question du rapport entre Écriture/ Poésie et Action traverse toute la littérature. Mallarmé disait : « Je ne sais pas d’autre bombe qu’un livre ». On pense aussi à Victor Hugo et à son combat contre la misère et contre la peine de mort, à Émile Zola et à son article « J’accuse…! » écrit au cours de l’affaire Dreyfus. D’autres écrivains et poètes sont plus discrets, et face à l’urgence de l’action, l’écriture peut effectivement paraître « dérisoirement insuffisante ». Mais parce qu’il tente, cherche, découvre, parce qu’il ose, appose, propose, parce qu’il ne se satisfait pas du monde tel qu’il est, le poète est irrémédiablement et incorrigiblement révolutionnaire.

  1. Vous avez connu des traumatismes dans votre enfance. Estimez-vous que les rayures du chagrin sont difficilement effaçables dans la mémoire d’une victime ? 

On ne peut pas effacer. On peut dépasser, sublimer, transcender, mais les blessures demeurent. Elles se calment, mais elles demeurent.

  1. En tant que poète, quel regard portez-vous sur le monde d’aujourd’hui ?

Le capitalisme est en bout de course et nous conduit droit au mur. Les inégalités se font toujours plus criantes, la pauvreté plus grande, les catastrophes écologiques plus menaçantes. Il est temps pour l’être humain de découvrir une autre manière de vivre ensemble (l’espagnol dit si justement « convivencia ») qui ne soit fondée ni sur le gain, ni sur le profit, ni sur l’intérêt personnel, ni sur la propriété privée.

  1. La question relative à la liberté est fréquente dans vos œuvres. Que représente la liberté selon vous ?

Être libre, c’est d’abord ne plus craindre le regard ni le jugement des autres. Être libre, c’est faire de son histoire une force, c’est faire d’un destin subi un destin choisi.

  1. Votre poésie exprime généralement une quête autobiographique, où vous mêlez les souvenirs et les émotions de votre douloureuse enfance. Peut-on qualifier cette démarche d’un acte visant à stopper l’effondrement intérieur qui se lit à chaque vers de vos poèmes ?

L’écriture sauve. L’écriture est à la fois mur, digue, pont et passage.

  1. « L’un l’autre » constitue l’exercice du récit de soi dont vous faites écho de vos émotions et vos souffrances. Est-ce un processus d’autoguérison, ou simplement un exercice pour la survie ?

Un processus d’autoguérison et de survie, un exercice, et un plaisir.

Propos recueillis par Fiston Loombe Iwoku

 

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