Sammy D’Elsan Bialu Kalambayi est un poète atypique, qui met plus en exergue les fondements axiologiques, que d’autres formes d’attribut, pour exprimer sa poéticité.
Après avoir révélé au grand public ses deux poèmes titrés « Pourquoi es-tu allé à Alger ? » et « Laurent Gbagbo, le tombeur de la CPI », le revoici avec deux autres pièces poétiques, qui déplorent les incuries du milieu dans lequel il vit. Appréciez-les par voie de conséquence !
1. Sais-tu qui je suis ?
Chacun gagne sa guéguerre comme il le peut,
coincé entre l’angoisse
et le sursaut d’orgueil.
C’est drôle et courageux en même temps,
de se tuer à petit feu,
puisqu’on est annihilé par une peur bleue,
celle de contrer les grimaces d’un adversaire coriace,
qui hurle des prétentions,
au point de remporter la partie,
juste avec une phrase comme celle-ci : »
« Sais-tu qui suis-je ?
À l’audition de la stance déstabilisante,
de ce prétendu monsieur important,
comme il y en a plein dans la ville,
je ne me laisse jamais impressionner
par une approche aussi mesquine,
de maître chanteur,
ou de traficoteur d’influence,
qui me propose de faire le choix,
entre la chicane et la chicorée.
Pour parer à cette étrange posture,
Je réponds sereinement à l’imposteur :
Si tu es le nec plus ultra,
qui pense être sorti
de la cuisse de Jupiter,
si je meurs aujourd’hui démuni,
prendras-tu mon infortune en charge ?
Si tu es millionnaire,
emporteras-tu ta fortune à ta tombe ?
A quoi serviront tes tas d’or,
au paradis, ou en Enfer,
Si tu perds la vie éternelle ?
Si, moi, pauvre érudit,
je vis au ghetto des éperdus,
et toi, profiteur et margouillat,
tu vis dans quel riche coteau ?
Si tu roules toujours carrosse,
pour qui, moi, un meurt-de-faim,
je roule alors ma bosse ?
Quelle différence génère,
à la nécropole de la liberté,
la statue du riche
et le statut de pauvre ?
Est-ce que devant l’Éternel des armées,
le fait d’être « quelqu’un »,
vous rassure d’avoir
votre ticket pour le Royaume éternel ?
2. A Kinshasa, il est interdit d’interdire
Kinshasa,
jadis ville métropolitaine belge,
est devenue de nos jours une grande auditrice
de la radio-trottoir,
pour maintenir sa place
de très grande cité d’ambiance !
Kin-la-belle,
l’honoraire perle d’Afrique,
s’est muée en capitale mondiale de la sape !
Cette cité des commérages,
dans ses nganda divers!
où la bière coule à flot,
bat le record de la luxure, et de la fioriture !
Pour un acte blâmable, elle applaudit !
Même pour la danse,
ou la cadence d’un fou,
les foules se mettent en extase.
Pour un tour de cache cache,
où la ruse rime avec la roublardise,
les gens se régalent !
Mais qu’on réprimande un fait fautif,
tel que l’oisiveté, la mendicité, le proxénétisme,
ses jeunes habitants aussitôt s’offusquent !
A celui qui veut y instiguer de bonnes manières,
On répond crânement : qui es-tu parbleu,
Pour venir jouer au petit saint parmi nous ?
Penses-tu être celui qui va redorer le blason terni de Léo la capitale ?
Est-ce toi qui va sortir cette mégapole de l’impasse ?
Kinshasa,
une ville au civisme culturellement incivique, socialement asociale,
Une ville où tout combat pour la pudeur et les bonnes mœurs
est d’office voué aux gémonies !
Une ville où l’instinct de survie et de profit
est désormais érigé en dogme!
Une ville où toute quête de salubrité paraît insalubre !
Voilà pourquoi
« Kin-Bopeto »,
ce slogan dorénavant creux,
résonnent vaguement dans nos oreilles comme « Kin-Bosoto » !
C’est une ville où la liberté,
aussitôt donnée,
se transforme en libertinage,
une ville où il est interdit d’interdire!
Vous voulez interdire quoi ?
Créez alors votre propre monde, vous dit-on !
Car interdire les mauvaises habitudes,
n’est pas conforme à ses habitus !
Interdire à Kinshasa est un acte
grotesque, loufoque, burlesque !
C’est ramener les gens
à la chicotte du colon !
Le fouet éducateur pour le salut de la société pue le colonisateur !
L’éducation de masse ?
C’est du bla-bla-bla,
pour le bla-bla-bla,
par le bla-bla-bla !
Un blabla qui sent la démagogie !
Ici, c’est le laisser-faire, pour ne pas dire le laisser-aller !
L’ordre ? Juste bon pour consoler les belles consciences,
qui s’insurgent contre les sinuosités urbaines !
Pour notre grand malheur,
ces bonnes consciences sont devenues exsangues !
A force de s’époumoner,
leur énergie s’est douloureusement pervertie,
au contact de la fougue urbaine !
Dépouillées de leur vitalité,
elles deviennent blafardes,
et passent de longues nuits à s’ennuyer !
Pour calmer leurs nerfs mis à vif,
elles prennent de l’aspirine junior,
afin de contrer la migraine,
provoquée par leur marginalisation !
Chargées, accablées et discréditées,
les belles consciences sont alors jugées anachroniques, désuètes, obsolètes !
Kinshasa, le cimetière des vertus,
les a sans vergogne vilipendées.
Cette ville bigarrée ne s’encombre guère
des donneurs de leçons !
A leur cri de vengeance,
la justice acquiesce son impuissance !
Mais pour leur gloire posthume,
on les élève avec moult ovations,
à la dignité des immortels !
Oh ! Kinshasa !
La ville sans postérité régénérée,
sans bornes,
sans limite,
sans loi ni aloi,
où il est « interdit d’interdire »,
pour comme un phœnix, qu’elle puisse naître,
et renaître à nouveau !
Au fil donc du temps,
en lisant bien cordialement « La Plume Vivante », vous découvrirez très chers lecteurs, le vrai substrat de la poésie de Sammy D’Elsan Bialu Kalambayi, qui vous conduira dans un cycle d’enchantement bienfaisant.
Foi de Jean-Paul Brigode ILopi Bokanga.